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Pour une vraie réforme des territoires


Libération - jeudi 20 novembre 2008

 

Une vraie réforme des territoires

 

Benoist Apparu, député de la Marne, Valérie Boyer, députée des Bouches-du-Rhône, Nicolas Dhuicq, député de l’Aube, Philippe Gosselin, député de la Manche, Françoise Guégot, députée de Seine-Maritime, Sébastien Huyghe, député du Nord, Laure de La Raudiere, députée d’Eure-et-Loir, Bruno Le Maire, député de l’Eure, Jean-Frédéric Poisson, député des Yvelines, Franck Riester, député de Seine-et-Marne, Valérie Rosso-Debord, députée de Meurthe-et-Moselle, Lionel Tardy, député de la Haute-Savoie, Isabelle Vasseur, députée de l’Aisne.


A croissance égale, notre pays crée moins d’emplois et plus tard que les autres, il en détruit plus et plus tôt en cas de crise. La raison est simple. Nous avons trop tardé à adapter notre pays, notre économie, notre fiscalité, notre marché du travail à la mondialisation. Nous avons trop tardé à moderniser nos administrations centrales, déconcentrées et décentralisées. La crise actuelle doit être un argument supplémentaire pour poursuivre le travail de réforme engagé par la majorité. De ce point de vue, la réforme des collectivités territoriales est nécessaire.
 

C’est une attente forte des Français qui n’admettent plus les empilements de structures et la fiscalité lourde qu’ils entraînent. Elle doit accompagner la réforme générale des politiques publiques et la réorganisation des services déconcentrés de l’Etat.
 

Trois objectifs semblent essentiels : clarifier les compétences et les ressources, limiter les dépenses et réduire le nombre d’échelons administratifs.
 

La France compte 36 783 communes, 18 716 regroupements intercommunaux, dont 2 580 à fiscalité propre, 371 pays, 4 058 cantons, 100 départements, 26 régions, outre-mer compris, sans oublier l’Etat et ses multiples démembrements, dont 95 % des agents travaillent dans les services déconcentrés. Et ce sans compter l’Union européenne dont les règlements produisent leurs effets sur chacun de ces niveaux administratifs. Faut-il enfin rappeler que la France seule représente 40 % de l’ensemble des communes de l’Union européenne et qu’aucune nation ne dispose de plus de 15 000 structures territoriales, contre 55 000 pour notre pays ! Que nous comptons six niveaux d’administration, quand l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Espagne se contentent de quatre.

On nous expliquera que ces différents échelons sont le fruit de notre histoire, qu’ils participent de la respiration démocratique du pays, qu’ils correspondent chacun à une entité géographique pertinente. Tout cela est vrai, mais ce n’est pas une raison suffisante pour ne rien faire. Conçue pour améliorer la démocratie, rapprocher les décisions des citoyens et fluidifier le fonctionnement administratif, la décentralisation a fini par devenir un facteur de complexité, tant les compétences croisées se sont multipliées, engendrant une inflation de la dépense publique liée aux doublons de structure et aux compétences conjointes, parallèles, partagées ou concurrentes. La dilution des responsabilités est aujourd’hui une réalité. La dépense locale a augmenté plus rapidement que la richesse nationale et que la dépense de l’Etat, y compris en neutralisant l’effet des transferts de compétence. A périmètre constant, les dépenses locales sont passées de 8 à 9,5 % du PIB. Les effectifs de la fonction publique territoriale ont augmenté de près de 50 % en vingt ans et les rémunérations moyennes par agent ont aussi progressé de 50 % au-delà de l’inflation et deux fois plus vite que celles de la fonction publique d’Etat !
 

Face à ce constat, que proposons-nous ? Nous souhaitons apporter notre contribution au débat ouvert par le président de la République au sein de la majorité sur les trois objectifs précités.
 

En matière de clarification des compétences et des ressources, nous proposons d’en finir avec les compétences croisées en définissant des blocs de compétences propres à chaque collectivité. Nous proposons par ailleurs de réserver la clause de compétence générale au niveau communal ou par délégation au niveau intercommunal. Son maintien à tous les niveaux pousse en effet les autres collectivités à se saisir de l’ensemble des problèmes locaux. La question des ressources est intimement liée à une réforme plus globale et nécessaire de notre fiscalité suivant des principes d’équité et de simplicité. Il conviendrait néanmoins d’affecter des impôts dynamiques pour les collectivités locales afin qu’elles puissent exercer leurs compétences en toute responsabilité. Cela permettra de clarifier et de limiter les compensations fiscales de l’Etat. En matière de limitation de la dépense publique, nous préconisons la création, à l’instar de l’Ondam pour l’assurance-maladie, d’un objectif national des dépenses des collectivités locales. Cet Ondecol correspondrait au taux d’évolution des dépenses de l’Etat et l’augmentation de la DGF (dotation globale de fonctionnement), indexée à ce taux, serait lié à la réalisation de cet objectif. Pourquoi se contenter d’un objectif ? Tout simplement parce que nous devons respecter le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. L’inflation des dépenses des collectivités locales nous concerne tous. Nous ne pouvons plus collectivement accepter que les dépenses des collectivités locales augmentent de plus de 6 % par an ! Et ce d’autant plus que l’augmentation en question est davantage liée aux doublons qu’aux transferts de compétences.

Reste l’emblématique question du nombre de collectivités locales et de la réduction du nombre de niveaux d’administration. Ces deux questions vont de pair. Nous avons trop de collectivités et trop de niveaux de collectivité. La construction d’une nouvelle organisation territoriale doit répondre à plusieurs objectifs : maintenir au moins un échelon de proximité, définir un niveau susceptible de se battre à armes égales à l’échelon européen. Nous préconisons que l’échelon régional devienne ce niveau puissant, capable de définir une véritable stratégie de développement et acteur d’une politique territoriale ambitieuse.
 

Nous formulons donc plusieurs propositions : en premier, il convient de construire un fonctionnement direct et efficace entre les communautés de communes et les régions ; en second, nous sommes favorables à ce que les élus régionaux deviennent des élus territoriaux, choisis au scrutin uninominal en milieu rural et au scrutin de liste en milieu urbain. Ils auront ainsi un fort ancrage local permettant un échange efficace entre la proximité et l’échelon régional. Enfin nous pensons qu’il faut réfléchir au rapprochement de certaines régions, comme par exemple les régions Basse-Normandie et Haute-Normandie, afin de leur faire acquérir une taille européenne. L’ensemble de ces préconisations doit aboutir rapidement. Nous y serons attentifs car ces réformes sont attendues : les Français demandent une meilleure efficacité de l’action administrative et une exemplarité de leurs élus.



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