Amélioration des conditions d'incarcération dans les établissements pénitentiaires du département de la Manche

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT - MARDI 2 DéCEMBRE 2014

Amélioration des conditions d'incarcération dans les établissements pénitentiaires du département de la Manche

Question de M. Philippe Gosselin à Mme Christiane Taubira, ministre


M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour exposer sa question, no 801, relative à l’amélioration des conditions d’incarcération dans les établissements pénitentiaires du département de la Manche.

M. Philippe Gosselin. Madame la garde des sceaux, je ne suis pas certain de recevoir les mêmes compliments que ceux qui ont été adressés à ma collègue. Pourtant, je m’interroge beaucoup sur les questions de société, comme vous le savez particulièrement. (Sourires.)

Madame la garde des sceaux, je souhaite aujourd’hui appeler votre attention sur les conditions d’incarcération dans les établissements pénitentiaires, en particulier du département de la Manche. La France est hors-la-loi, vous le savez. Depuis des années, nous devrions proposer l’encellulement individuel, ce qui n’est pas fait. C’est, encore aujourd’hui, un vœu pieu, malgré des rappels à l’ordre réguliers.

Dans la Manche, la situation est vraiment dramatique. Le taux d’occupation des maisons d’arrêt de Coutances et de Cherbourg atteint ainsi 175 %. Les détenus dorment dans des dortoirs rassemblant six, neuf, douze personnes, voire bien davantage lorsque des matelas sont posés au sol, ce qui est régulièrement le cas.

Les effets de cette surpopulation sont naturellement désastreux. Les violences entre détenus se multiplient en raison de l’extrême promiscuité dans les cellules, qui, bien sûr, favorise les tensions.

Que dire aussi des conditions de travail des surveillants de prison ? Comment se sentir en sécurité lorsqu’il faut intervenir dans des cellules bondées – c’est le terme qui convient –, avec des matelas au sol, qu’il faut enjamber tant bien que mal ?

Les surveillants subissent quotidiennement des outrages, mais aussi des agressions, de la part des détenus qui se sentent abandonnés. Les uns et les autres dénoncent une crise d’autorité, favorisée, bien sûr, par la surpopulation, même si celle-ci n’en est pas la seule raison.

Qui plus est, les surveillants ne peuvent plus pratiquer de fouilles à corps pour détecter la présence d’armes, à la sortie des parloirs. En conséquence, les détenus introduisent de plus en plus de biens de l’extérieur – drogue, téléphones portables –, qui sont source d’insécurité.

Pour la sécurité des surveillants, pour la sécurité des établissements, pour le respect de la dignité des détenus, pour renforcer les chances de réinsertion, il faut évidemment mettre un terme à cette surpopulation carcérale. Il faut des actes.

Une réponse pénale plus laxiste ne serait pas la bonne. Il faut des places supplémentaires, ne serait-ce que pour moderniser l’existant.

Dans la Manche, la vétusté des maisons d’arrêt, que j’ai visitées le 22 avril dernier, est une réalité indéniable. C’est pour cela du reste que votre prédécesseur, Michel Mercier, avait acté, le 5 mai 2011, la construction d’un centre de 366 places à Saint-Lô, préfecture de la Manche.

En janvier 2013, vous sembliez disposer d’un « dossier vide ». Je vous ai donc communiqué des pièces, de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice – l’APIJ – notamment. Malheureusement, vous avez décidé de suspendre ce projet à votre arrivée au Gouvernement.

Aujourd’hui, le projet de construction d’une nouvelle prison à Caen semble sur les rails, je dis bien « semble », car aucune confirmation n’en a été donnée. Dans tous les cas, la difficulté subsiste dans la Manche, avec ces établissements vieillissants et cette surpopulation.

Madame la garde des sceaux, que prévoyez-vous de faire pour améliorer les conditions d’incarcération dans la Manche ? Où en sont les projets de construction ou, du moins, de rénovation dans notre département, et aussi plus largement, autour de Caen ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député, je connais aussi la pluralité de vos centres d’intérêt, et j’ai des souvenirs variés de certains débats sur ce que vous appelez des sujets de société.

Concernant notre politique pénale, vous ne pouvez pas, dans le même temps, nous dire qu’il faut travailler à la réinsertion puis taxer de laxistes les dispositions prévoyant d’encadrer la réinsertion. Des habitudes de langage subsistent, sur lesquelles je ne m’attarderai pas.

Je rappelle seulement les axes de ma politique pénale et carcérale, que j’ai exposés très clairement, en plusieurs circonstances. Tout d’abord, je veille à articuler ces deux domaines qui, pendant des années, ont été séparés, indépendants et autonomes l’un de l’autre, de sorte que les automatismes y différaient. J’essaie donc d’introduire de la cohérence dans ces politiques.

Le premier axe de ma politique pénale et carcérale vise la réinsertion, à laquelle je vous sais attaché, monsieur le député. Tous les parlementaires, très impliqués sur ces sujets et qui se déplacent dans les établissements pénitentiaires de leur circonscription, savent que la réinsertion constitue un vrai enjeu, une véritable réponse.

Le second axe concerne l’extension, la rénovation et la sécurisation du parc immobilier, avec un programme de construction de 6 500 places de prison d’ici à 2016 et de 3 200 places dans ce triennal.

La maison d’arrêt de Coutances figurait parmi les dix-sept établissements vétustes, qui devaient être démolis et reconstruits dans ce triennal. Malheureusement, malgré 1 milliard d’euros d’engagements de crédits pour la construction de nouvelles places de prison, il n’a pas été possible de retenir ce projet.

En revanche, le tableau que vous en dressez est relativement inexact. Comme me l’indique l’administration, les établissements de Cherbourg et Coutances, situés en centre-ville, datent bien en effet du XIXe siècle. Ils présentent de nombreuses similitudes, notamment une capacité opérationnelle de détention quasiment identique, avec un effectif de personnes détenues en baisse. En effet, à Coutances, une opération de désencombrement de la maison d’arrêt, à partir de mars 2014, a permis d’assainir partiellement la situation, avec 42 levées d’écrou, dont 17 transferts vers d’autres établissements. L’hébergement s’effectue essentiellement en dortoirs, mais il n’y a pas de matelas au sol, monsieur le député.

M. Philippe Gosselin. Mais si !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’administration affirme qu’il n’y a pas de matelas au sol, mais des lits supplémentaires. Puisque vous persistez, je ferai procéder à une nouvelle vérification car vous connaissez le respect que j’apporte à la parole des parlementaires.

Une politique d’aménagement des peines est menée, avec suivi et encadrement. Régulièrement, des travaux d’entretien sont engagés – trois portiques de détection de masses métalliques supplémentaires ont été installés à Cherbourg –, ainsi que des travaux de sécurisation. Un préau a notamment été détruit à la maison d’arrêt de Coutances.

Une des difficultés de ce dossier pour un nouvel établissement réside dans le fait que, sur le plan local, aucun des trois sites de Saint-Lô, Coutances et Cherbourg ne fait l’unanimité, ou du moins l’objet d’une vision convergente. Il faudrait donc avancer sur ce point. L’administration pénitentiaire et l’agence immobilière de la chancellerie se tiennent à votre disposition.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Vous parlez « d’avancer sur ce point », madame la garde des sceaux, ce qui laisse entendre que le dossier pourrait n’être pas totalement clos. C’est une bonne nouvelle.

Je confirme que ces deux prisons ne comptent que des dortoirs, avec des matelas au sol. La presse s’en est fait l’écho. Quelques aménagements ont en effet été réalisés : les locaux sont propres, je peux en attester, mais aucun plan de modernisation n’est prévu à l’heure actuelle, sinon pour répondre à l’impératif d’encellulement individuel, du moins pour disposer de pièces convenables.

Je retiens néanmoins qu’il y a peut-être l’espoir que ce dossier avance.

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