Archives

Cette section vous propose de consulter tous les contenus du site antérieurs au 1er septembre 2014

travail - droit du travail - concurrence. contrôles. politiques communautaires

Question n°538 (XIV)
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Texte de la question

M. Philippe Gosselin interroge M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur deux phénomènes qui pénalisent lourdement les entreprises françaises. D'une part, des entreprises bafouant les réglementations sociales et fiscales et le droit du travail, proposent, sur notre territoire, en toute illégalité, des prestations à des tarifs très bas. Cette concurrence déloyale affecte particulièrement le secteur du bâtiment. Des dispositions existent pour lutter contre ces fraudes mais ne s'appliquent guère en l'absence de contrôles systématiques de l'inspection du travail et de l'URSSAF, en particulier le week-end. D'autre part, le coût élevé de la main-d'oeuvre en France nous place d'emblée en situation défavorable face à nos concurrents européens et aboutit à un recul de la production nationale, qui pénalise la croissance et l'emploi. Cette situation est renforcée par le recours abusif de certains États européens à des salariés « détachés », originaires de pays à très bas niveau de salaire et de protection sociale, qu'ils rémunèrent peu et sans acquitter de charges sociales. Les producteurs de légumes français, et le secteur agricole de manière générale, perdent ainsi des parts de marché car ils ne peuvent, dans ces conditions, rivaliser avec leurs concurrents européens, allemands notamment. Au regard de ces phénomènes qui affaiblissent notre pays, il lui demande ce qu'il entend faire, au niveau national, pour garantir que la loi soit respectée par toutes les entreprises intervenant sur le territoire français et pour rétablir la compétitivité de la France en réduisant le coût du travail et en luttant contre le dumping social pratiqué au sein de l'Union européenne.

Texte de la réponse (publié au JO le 12/02/2014)

LUTTE CONTRE LES DISTORSIONS DE CONCURRENCE DANS LE DOMAINE SOCIAL AU SEIN DE L?UNION EUROPÉENNE.


Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour exposer sa question, n° 538, relative à la lutte contre les distorsions de concurrence dans le domaine social au sein de l?Union européenne.

M. Philippe Gosselin. Je veux, en introduction, m'associer aux propos de notre collègue Philippe Armand Martin, qui vous interrogeait, monsieur le ministre, sur l'arrêté nitrates de 2011, et son application en Champagne-Ardenne. Je peux vous le dire : les agriculteurs de la Manche partagent les mêmes craintes, et cet arrêté leur pose bien des problèmes.

Pour ma part, je souhaite appeler l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur deux phénomènes qui pénalisent lourdement notre économie, et dont plusieurs entreprises de ma circonscription de la Manche, qui m'ont alerté, souffrent. Il s'agit du travail illégal et du coût élevé de la main d'?uvre.

En ce qui concerne le travail illégal, notamment du travail illégal lié au détachement, l'année 2013 fut, vous le savez, celle d'un record, celui des redressements de l'URSSAF pour travail dissimulé : ils ont atteint un montant de plus de 290 millions d'euros. Transports, BTP, restauration sont les secteurs les plus concernés.

La fédération du bâtiment de la Manche a notamment appelé mon attention sur le fait que, lors des contrôles réalisés en 2013, l'URSSAF a pu constater que la pratique du détachement était de plus en plus courante sur les chantiers de notre département. Elle concernerait entre un chantier sur deux et un chantier sur trois ; c'est énorme. Elle intervient, dans la majorité des cas, dans des conditions illégales. On peut se poser la question, dès lors, de savoir comment nos artisans, comment nos entreprises vont pouvoir lutter.

Par ailleurs, au-delà du travail illégal, qui pénalise notre économie, le coût élevé de la main-d'?uvre en France nous place d'emblée en position plutôt, voire très, défavorable, face à nos partenaires européens. La France, vous le savez, est en tête de liste du classement européen en ce qui concerne le taux de charges sociales, puisqu'il s'établit à 51,7 %. Le détachement européen, j'y reviens, souvent un faux détachement, pratiqué notamment en Allemagne à des niveaux de salaire très bas, accroît évidemment ce handicap.

La FDSEA de la Manche et les Jeunes agriculteurs de la Manche m'ont, quant à eux, alerté sur la production de légumes. Monsieur le ministre, vous étiez chez nous le 24 janvier dernier et vous le savez : nous avons beaucoup de maraîchers dans la Manche, et une production légumière très importante. La FDSEA et les JA m'ont alerté sur les conditions d'emploi de la main d'?uvre saisonnière dans les différents pays européens. En France, le coût horaire total moyen d'un travailleur saisonnier s'établit à 10,33 euros, contre 6 euros en Allemagne et 7,80 euros en Espagne. Les durées légales du travail étant très différentes, les heures supplémentaires sont aussi, évidemment, comptabilisées de façon différente. Au final, le coût de l'emploi saisonnier agricole est donc, au minimum, de 1,5 fois plus cher en France qu'en Allemagne. Dans ces conditions, on peut évidemment se poser la question : comment nos agriculteurs, comment la Manche, comment la France peuvent-ils lutter ?

Les surfaces cultivées en légumes, à l'exception des légumes secs, ont ainsi diminué de 15 % en France en dix ans, alors qu'elles ont progressé de 21 % en Allemagne. C'est énorme. Cet exemple illustre à quel point le coût élevé du travail affaiblit la compétitivité de nos entreprises, donc l'emploi, donc la richesse nationale.

Pourtant, en dépit de ce constat, le Gouvernement a encore alourdi le coût du travail pour nos entreprises. Il a notamment supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires, et instauré une double augmentation des cotisations sociales, dans le cadre de la réforme des retraites et du forfait social sur l'épargne salariale.

Dans ces conditions, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement envisage de mettre en place pour lutter contre le travail illégal en lien avec le détachement, pour lutter contre le dumping social pratiqué au sein de l?Union européenne au détriment de la France ? Et sur le plan national, est-ce au moins au programme du pacte de responsabilité dont on attend avec impatience les premiers éléments ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, il est vrai que je me suis rendu dans la Manche il y a peu de temps, alors que vous étiez en voyage aux États-Unis. J'ai beaucoup regretté votre absence.

M. Philippe Gosselin. J'étais parti avec le président du conseil régional de Basse-Normandie, dans le cadre du soixante-dixième anniversaire du débarquement en Normandie !

M. Stéphane Le Foll, ministre . Ne vous inquiétez pas, vos assistants m'ont expliqué la raison de votre absence. Tout s'est bien passé : il y a des choses très intéressantes qui se passent dans la Manche.

On m'a préparé une réponse, mais je vous répondrai directement en analysant les deux principaux enjeux soulevés par votre question. Le premier enjeu est celui de la concurrence entre les différents pays européens. La directive détachement peut avoir un effet extrêmement destructeur, surtout dans les pays où il n'y a pas de salaire minimum. En effet, les règles prévoient que les travailleurs détachés sont rémunérés selon les conditions applicables dans le pays d'accueil ; or dans certains pays, il n'y a pas de salaire minimum ? c'était le cas de l'Allemagne il y a encore peu de temps. On y pratiquait des salaires horaires de 3,50 euros dans nombre de secteurs, dont l'agroalimentaire, alors que les industries françaises étaient tenues de respecter le SMIC horaire, qui est de près de 10 euros. Grâce à la nouvelle coalition arrivée récemment au pouvoir en Allemagne, il y aura un SMIC de 8,50 euros par heure dans ce pays. C'est une première étape majeure : indépendamment de la question de la directive sur le détachement des travailleurs, l'écart entre le salaire minimum applicable notamment aux travailleurs saisonniers ? qui sont très utilisés ? en France et en Allemagne est grandement réduit. Cette première étape est très importante dans le débat à l'échelle européenne.

Le deuxième enjeu est celui des règles d'application de la directive sur le détachement des travailleurs elle-même. Contrairement à l'esprit dans lequel elle a été négociée et adoptée en 1996, cette directive a fini par être utilisée de manière régulière, systématique. Au Conseil européen, à la fin de l'année dernière, cette question a été remise sur la table, et il a été convenu de rendre plus strictes les conditions d'application de la directive afin d'éviter les dérives. C'est la position qu'a défendue Michel Sapin lors du Conseil de l?Union européenne sur l'emploi, position à laquelle l'Allemagne a d'ailleurs fini par se rallier. Il s'agissait de renforcer les règles sur deux points. D'abord, laisser ouverte la liste des documents exigibles auprès des entreprises en cas de contrôle : c'est très important. Ensuite, responsabiliser les entreprises donneuses d'ordre dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, et dans les autres secteurs qui ont recours aux travailleurs détachés. Sur ces deux points, les règles d'application de la directive relative au détachement des travailleurs ont été durcies.

Il faut désormais tirer les conclusions de cette évolution et transposer ces nouvelles règles dans la législation française. Pour cela, une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale, où elle sera bientôt examinée. Cette proposition de loi, qui sera présentée par Gilles Savary, aura pour objet de décliner en droit français ce qui a été décidé à l'échelle européenne, afin que chacun prenne ses responsabilités dans le recours à la directive relative au détachement des travailleurs. Comme vous le savez, en France aussi les travailleurs détachés ont été utilisés de manière très importante ? plus dans les travaux publics que dans l'agriculture, d'ailleurs. Nous devons donc être plus stricts quant à l'utilisation de cette procédure.

Voilà les deux points que je voulais d'abord évoquer. Pour répondre à votre question sur les charges sociales, je rappellerai, au-delà de ce que vous avez dit sur la défiscalisation des heures supplémentaires, qu'en matière agricole, nous avons décidé de maintenir les fameuses exonérations de cotisations sur le travail saisonnier. C'est très important ; il faut continuer dans ce sens. Je rappelle également que, dans le cadre des débats sur le pacte de responsabilité, il est question de baisser les cotisations sociales familiales pour tous les secteurs : l'agriculture sera donc aussi concernée. Enfin, dès cette année, le crédit d'impôt compétitivité emploi sera évalué ; cela concerne donc toutes les exploitations agricoles qui embauchent des salariés et bénéficient de ce dispositif. Sur tous ces points, nous devons aller dans le sens d'une réduction des écarts entre pays en matière de cotisations pesant sur le travail, afin de rendre nos entreprises plus compétitives. Dans le même temps, nous devons aussi mieux nous organiser et mieux structurer nos filières : c'est tout le sens des débats que nous avons eu dans le cadre de l'examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Monsieur le député, j'espère, avec tous ces éléments, avoir à peu près répondu à l'ensemble des questions que vous avez posées.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour quelques instants seulement.

M. Philippe Gosselin. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse qui a été à la fois très courtoise, cordiale, et fouillée. J'ajouterai juste un mot : un employeur respectant les règles relatives au détachement des travailleurs, et utilisant légalement cette procédure, reste moins cher qu'un employeur français dans bien des cas. C'est là toute la difficulté. En effet, le salaire déclaré dans le pays d'origine reste largement inférieur au SMIC, et les cotisations appelées sur cette base sont donc bien moindres, ce qui diminue beaucoup le coût du travail. Cette difficulté subsiste ; j'espère que la proposition de loi dont vous parliez, ainsi que d'autres éléments, permettront d'avancer encore, car il y a beaucoup à faire.




élevage - revendications - perspectives

Question n°309 (XIV)
Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Texte de la question

M. Philippe Gosselin appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur les difficultés rencontrées par les agriculteurs et les éleveurs de la Manche. Les prix de l'alimentation animale et des matières premières flambent mais ne sont pas répercutés sur les prix de vente. Les normes environnementales s'accumulent et pèsent sur l'activité et la compétitivité des exploitations. Au-delà de la Manche, l'élevage est un atout-clé pour la France tant en termes de souveraineté alimentaire, de commerce extérieur que d'aménagement du territoire. Il est donc urgent d'apporter des solutions à la lente asphyxie de l'élevage français, toutes filières confondues. Les éleveurs demandent un rééquilibrage des négociations commerciales et une revalorisation des prix. lls souhaitent en outre que les normes environnementales (directive nitrates notamment) soient simplifiées et que l'installation de jeunes sur des exploitations viables et diversifiées soit véritablement encouragée. L'étiquetage de l'origine sur les produits bruts et sur les matières premières utilisées comme ingrédients pourrait également être généralisé afin de rassurer les consommateurs suite aux récents scandales. Enfin, les éleveurs français aspirent à ce que que la future PAC mette en place une véritable politique économique pour les filières de l'élevage. Parce que de nombreux emplois, directs et indirects, dépendent de la ferme France, particulièrement dans le département de la Manche, il lui demande de bien vouloir prendre des mesures concrètes pour les éleveurs de la Manche et tous les autres.

Texte de la réponse (publié au JO le 15/05/2013)

SITUATION DES ÉLEVEURS DANS LA MANCHE

M. le président. Après le Var, la Manche : la parole est à M. Philippe Gosselin, pour exposer sa question, n° 309, relative à la situation des éleveurs dans la Manche.
M. Philippe Gosselin. Dans ce domaine, la Manche est peut-être plus connue que le Var !
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés très importantes que rencontrent actuellement les agriculteurs et les éleveurs de la Manche. Des exploitations sont en réel danger. Les prix de l'alimentation animale et des matières premières flambent mais ne sont pas répercutés sur les prix de vente. En 2012, le revenu de la ferme Manche a baissé de 11 %. Globalement, les charges augmentent de 8 %, entraînées par le prix du carburant, en hausse de 15 %.
En outre, les normes environnementales - parfois, il faut bien le dire, incompréhensibles - s'accumulent, pesant sur l'activité et la compétitivité des exploitations. Je pense à la vallée de la Vire, zone agricole par excellence, classée en zone vulnérable depuis 2012.
Au-delà de la Manche, l'élevage est un atout clé pour la France tant en termes d'emploi, de souveraineté alimentaire, de commerce extérieur que d'aménagement du territoire. Il est donc urgent d'apporter des solutions à sa lente asphyxie, toutes filières confondues.
Les éleveurs demandent un rééquilibrage des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, afin que les prix soient revalorisés. Du reste, l'étiquetage de l'origine sur les produits bruts et sur les matières premières utilisées comme ingrédients pourrait être généralisé afin de rassurer les consommateurs, suite aux récents scandales.
En outre, les éleveurs souhaitent que les normes environnementales - je pense notamment à la directive nitrates - soient simplifiées. Il est grand temps d'en finir avec la surenchère réglementaire, qui, souvent, produit l'effet inverse de celui recherché. L'instruction des dossiers d'installations classées prend plus de dix-huit mois en France, contre quatre mois chez nos voisins. Il y a donc bien un problème. Lorsque j'entends parler de choc de simplification, monsieur le ministre, je réponds : " Chiche ! ". Par ailleurs, il faut encore et toujours encourager l'installation de jeunes sur des exploitations viables et diversifiées.
Enfin, la future PAC doit mettre en place une véritable politique économique pour les filières de l'élevage, qui tienne compte de la pénibilité, mais aussi de l'astreinte et du niveau élevé des capitaux à mobiliser pour ces exploitations.
Alors que la fédération nationale porcine organise aujourd'hui une journée d'action pour porter ses revendications, et parce que des centaines de milliers d'emplois, directs et indirects, dépendent de la ferme France, particulièrement dans le département de la Manche, je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures concrètes seront prises pour que les éleveurs de la Manche et tous les autres soient aidés, assistés et secourus.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député - et monsieur le président, ajouterai-je, tant vos préoccupations, sur ce sujet, se rejoignent -, la situation de l'élevage n'est pas seulement problématique dans la Manche. Les députés ici présents peuvent en témoigner : l'élevage en Corse, dans la Sarthe ou dans la Seine-Maritime rencontre des difficultés liées à l'augmentation du prix de l'alimentation, qui n'est pas répercutée dans le prix de vente des produits.
À ce sujet, permettez-moi un rappel, monsieur Gosselin. Vous avez appartenu à la majorité précédente et voté la loi de modernisation de l'économie. Pour atteindre l'un de ses objectifs, l'amélioration du pouvoir d'achat des consommateurs, vous avez jugé bon de tirer les prix vers le bas en donnant notamment beaucoup de pouvoir à la grande distribution. Il faut aujourd'hui changer cette règle.
M. Philippe Gosselin. La loi a été contournée !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cette loi sera modifiée. Je serai très attentif à votre attitude, monsieur Gosselin, et j'espère que vous voterez nos propositions, qui visent justement à intégrer dans les négociations commerciales le fait que les coûts de production augmentent. Je reviendrai ici pour exprimer ma satisfaction quant à l'évolution de cette loi et la part que vous y aurez prise. Comme vous l'avez dit, il est très important de changer les règles commerciales et d'intégrer les coûts de production. Nous modifierons aussi en ce sens la loi de modernisation agricole.
Sans attendre, nous avons pris en avril une initiative pour le lait, qui devrait se traduire pour les producteurs, dès ce mois-ci et pour les trois mois qui viennent, par une revalorisation du prix du lait. La négociation avec la grande distribution et les transformateurs, qui fut dure, a débouché sur un accord qui devrait entrer en application ce mois-ci.
Vous avez parlé de la PAC. Il faut bien sûr rééquilibrer une partie des aides. Le problème de l'élevage, c'est que la rentabilité du capital investi et la productivité du travail sont plus faibles que dans d'autres productions. Si l'on ne compense pas cette faiblesse, on risque de voir l'élevage disparaître. C'est ce qui se passe aujourd'hui. Nous livrerons donc une bataille à l'échelle européenne pour l'augmentation du taux de couplage, la redistribution des aides et la majoration de la prime sur les 50 premiers hectares.
Votre dernier point porte sur les normes, un sujet qui tient à coeur au président. Notez tout de même que la directive nitrates et le contentieux européen ne datent pas d'aujourd'hui, et que je suis amené à traiter d'une affaire engagée il y a quelques années. Delphine Batho et moi-même avons fait des propositions pour améliorer les propositions déjà formulées par la France, dans le cadre du contentieux, pour se conformer à la directive.
Mais c'est tout un processus qu'il faut mettre en oeuvre : nous ne pourrons pas traiter de la question environnementale en alignant les normes les unes derrière les autres sur tous les sujets, quels qu'ils soient. Nous devons aborder le sujet de manière globale - je dis toujours " systémique " - pour assurer les combinaisons et les cohérences au niveau de la production agricole. C'est tout le débat sur la loi écologie.
Il y a bien sûr des progrès à faire, surtout en matière de simplification. Je pense en particulier aux établissements classés, un débat que j'ai engagé et que j'espère voir aboutir rapidement.
M. le président. Je vous remercie tout particulièrement, monsieur le ministre.
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre. Nous verrons le contenu du texte visant à modifier la LME ; je suis très ouvert sur le sujet car je considère que la loi, pour une part, a été contournée. J'attends aussi le choc de simplification.
Pour conclure sur la Manche, je voudrais insister pour qu'un certain nombre de dossiers engagés en 2012 aboutissent. Je pense à un dégrèvement fiscal dont vous avez évidemment connaissance. Je pense aussi à la reconnaissance du caractère de calamité agricole de l'humidité automnale. Enfin, la solidarité s'est manifestée durant la période de neige hivernale, après le déclenchement exceptionnel de l'alerte rouge. Il conviendrait de classer le département en zone de catastrophe naturelle. Je serai très attentif aux réponses qui pourront être apportées. Elles sont attendues, au-delà des agriculteurs, par les acteurs économiques de la Manche.



enseignement secondaire - programmes - sciences de la vie et de la terre

Question n°1627
Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et vie associative

Texte de la question

M. Philippe Gosselin attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur la présence de la théorie du genre dans les manuels scolaires de SVT des lycéens de 1ère L et ES. Cette théorie, qui affirme que l'identité sexuelle n'est pas une donnée biologique mais une construction sociale, ne présente aucun caractère scientifique et n'a donc pas sa place dans un cours de biologie. Plus de 200 parlementaires se sont positionnés contre l'utilisation de ces manuels. De même, comme l'indiquent les résultats du sondage réalisé par l'Ifop pour Valeurs actuelles en octobre 2011, 54% des Français jugent que l'intitulé du chapitre de biologie concerné est " source de confusion pour des adolescents " et 55% d'entre eux souhaitent que l'épreuve de biologie du baccalauréat ne porte pas sur ce sujet controversé. La théorie du genre, de même que l'homoparentalité qui serait inscrite au programme des terminales littéraires, soulève de nombreuses questions qui méritent un débat entre experts, élus et représentants de la société civile et non un enseignement au lycée. C'est pourquoi il lui demande les réponses qu'il entend apporter aux préoccupations réelles d'une majorité de nos concitoyens. Il lui demande également d'intervenir afin que ce chapitre lié au genre ne soit pas étudié en cours de SVT et qu'il ne fasse pas l'objet d'un sujet lors des épreuves du baccalauréat.

Texte de la réponse (publié au JO le 07/12/2011)

PRÉSENCE DE LA THÉORIE DU GENRE
DANS LES MANUELS SCOLAIRES DE SVT

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour exposer sa question, n° 1627, relative à la présence de la théorie du genre dans les manuels scolaires de sciences de la vie et de la terre.
M. Philippe Gosselin. Je souhaite effectivement interroger M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, sur la présence de la théorie du genre dans les manuels scolaires de sciences de la vie et de la terre des lycéens de première L et ES - afin de clore, si possible, une polémique à ce sujet.
La théorie du genre affirme, vous le savez, que l'identité sexuelle n'est pas une donnée biologique, mais une construction sociale. Or, cette théorie ne repose sur aucun fondement scientifique et n'a donc pas sa place dans un cours de biologie. Plus de 200 parlementaires se sont prononcés contre l'utilisation des manuels y faisant référence.
Par ailleurs, selon un sondage publié dans Valeurs actuelles en novembre dernier, 54 % des Français jugent que l'intitulé du chapitre de biologie concerné est " source de confusion pour des adolescents " ; 55 % des personnes interrogées souhaitent également que l'épreuve de biologie du baccalauréat ne porte pas sur ce sujet controversé.
Une succession de faits récents entretient un climat que l'on pourrait qualifier de pesant sur des enjeux sensibles, des questions dites de société, qui concernent la condition humaine, la procréation et l'organisation de la société. Je pense à l'étude des familles homoparentales par les élèves de terminale littéraire, au jugement de Bayonne confiant l'autorité parentale à deux femmes sans référence à des " circonstances particulières ", qui sont pourtant habituellement exigées, à la célébration d'un mariage gay dans les Pyrénées-Orientales et à des déclarations publiques, y compris au niveau ministériel.
Toutes ces questions, à l'instar de celle du genre, méritent bien sûr - je le dis sans aucune équivoque - un débat entre experts, élus et représentants de la société civile, mais pas un enseignement au lycée et en tout cas, me semble-t-il, pas en SVT. C'est pourquoi, monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous donniez des réponses claires, que vous nous assuriez de façon définitive que ce chapitre sur le genre ne sera pas étudié en cours de SVT, qu'aucune question ne sera posée sur ce sujet au baccalauréat et que toutes instructions seront données dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur Gosselin, je voudrais d'abord vous rappeler le processus d'élaboration de nos programmes scolaires. Il suit un protocole défini et précis, qui associe inspecteurs généraux de l'éducation nationale, professeurs, chercheurs et universitaires. Il est suivi d'une période de large consultation publique, avant présentation devant le Conseil supérieur de l'éducation.
Les programmes qui en résultent sont conformes à l'état actuel des connaissances scientifiques. Les éditeurs scolaires s'appuient ensuite sur ces programmes pour élaborer leurs propres manuels, et ce sous leur propre responsabilité éditoriale. Il y a donc, en la matière, liberté éditoriale.
En ce qui concerne la théorie du genre, sur laquelle vous m'avez interrogé, je veux vous dire que les critiques que nous avons entendues ici ou là sur les programmes sont infondées. En effet, la théorie du genre n'apparaît tout simplement pas dans les programmes, qui abordent la mise en place des structures et de la fonctionnalité des appareils sexuels au cours du développement. La polémique repose donc sur l'orientation éditoriale de quelques éditeurs scolaires et non sur l'analyse du programme lui-même.
Je ne voudrais donc pas qu'il y ait le moindre amalgame entre, d'un côté, les programmes, qui reposent sur une approche scientifique et, de l'autre, l'approche que certains manuels en ont, qui relève, comme vous l'avez souligné, des sciences sociales. Je le dis clairement : le programme de SVT ne mentionne ni n'aborde cette notion du genre et il n'y aura donc aucune question sur ce thème au baccalauréat. Je fais toute confiance au sérieux des professeurs pour enseigner aussi bien la lettre que l'esprit du programme. Les ressources sont d'ailleurs extrêmement variées à l'heure du numérique : elles ne se limitent pas à quelques manuels.
S'agissant maintenant de la question de l'homoparentalité, à laquelle vous avez fait référence dans la seconde partie de votre question, je voudrais en profiter pour souligner l'intérêt du nouvel enseignement que nous avons créé dans le cadre de la réforme du lycée. Il est intitulé " droit et grands enjeux du monde contemporain " et sera proposé aux élèves de terminale littéraire à partir de la prochaine rentrée. L'objectif est de faire découvrir le droit aux élèves en leur montrant comment il régule et encadre les individus et plus largement les questions contemporaines. Il s'inscrit dans le cadre de la revalorisation de la filière littéraire, en vue d'offrir aux élèves de nouveaux débouchés et un cursus de haut niveau.
Je tiens à préciser que la mention de ces questions de société ne signifie nullement leur reconnaissance et leur définition légales. Il s'agit simplement de montrer aux élèves les réponses qui leur sont apportées par le droit sous toutes ses formes. Il s'agit de montrer comment le droit répond aujourd'hui à des situations réelles. Le thème consacré à l'évolution de la famille donne ainsi l'occasion de traiter des grands domaines du droit de la famille, ainsi que de leur évolution, à travers les questions nouvelles qu'ont eu à traiter les juridictions et les pouvoirs publics.
La notion d'homoparentalité est, à ce titre, un exemple de sujet dont le droit est saisi au quotidien dans les juridictions. Elle est aussi traitée en tant que telle dans toutes les facultés de droit. Il ne s'agit en aucun cas de reconnaître l'homoparentalité, pas davantage d'ailleurs que de reconnaître l'euthanasie ou la vente d'organes, qui sont abordés dans le thème " la vie, le corps, la santé ".
Monsieur le député, j'entends vos inquiétudes, ainsi que celles des familles, et je tiens à vous rassurer pleinement : les connaissances qui seront exigibles au baccalauréat sont bien celles mentionnées dans les programmes et non celles des manuels de SVT que vous avez évoqués. Il n'y aura donc pas de question sur la théorie du genre. La notion d'homoparentalité n'est quant à elle qu'un exemple de sujet abordé dans le cadre d'une réflexion générale qui est aujourd'hui traitée par le droit et enseignée dans les études supérieures de droit.
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos explications, qui sont de nature à apaiser les craintes. Si l'on voulait les dissiper totalement, une circulaire précisant de nouveau tout cela serait la bienvenue.