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élevage - revendications - perspectives

Question n°309 (XIV)
Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Texte de la question

M. Philippe Gosselin appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur les difficultés rencontrées par les agriculteurs et les éleveurs de la Manche. Les prix de l'alimentation animale et des matières premières flambent mais ne sont pas répercutés sur les prix de vente. Les normes environnementales s'accumulent et pèsent sur l'activité et la compétitivité des exploitations. Au-delà de la Manche, l'élevage est un atout-clé pour la France tant en termes de souveraineté alimentaire, de commerce extérieur que d'aménagement du territoire. Il est donc urgent d'apporter des solutions à la lente asphyxie de l'élevage français, toutes filières confondues. Les éleveurs demandent un rééquilibrage des négociations commerciales et une revalorisation des prix. lls souhaitent en outre que les normes environnementales (directive nitrates notamment) soient simplifiées et que l'installation de jeunes sur des exploitations viables et diversifiées soit véritablement encouragée. L'étiquetage de l'origine sur les produits bruts et sur les matières premières utilisées comme ingrédients pourrait également être généralisé afin de rassurer les consommateurs suite aux récents scandales. Enfin, les éleveurs français aspirent à ce que que la future PAC mette en place une véritable politique économique pour les filières de l'élevage. Parce que de nombreux emplois, directs et indirects, dépendent de la ferme France, particulièrement dans le département de la Manche, il lui demande de bien vouloir prendre des mesures concrètes pour les éleveurs de la Manche et tous les autres.

Texte de la réponse (publié au JO le 15/05/2013)

SITUATION DES ÉLEVEURS DANS LA MANCHE

M. le président. Après le Var, la Manche : la parole est à M. Philippe Gosselin, pour exposer sa question, n° 309, relative à la situation des éleveurs dans la Manche.
M. Philippe Gosselin. Dans ce domaine, la Manche est peut-être plus connue que le Var !
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés très importantes que rencontrent actuellement les agriculteurs et les éleveurs de la Manche. Des exploitations sont en réel danger. Les prix de l'alimentation animale et des matières premières flambent mais ne sont pas répercutés sur les prix de vente. En 2012, le revenu de la ferme Manche a baissé de 11 %. Globalement, les charges augmentent de 8 %, entraînées par le prix du carburant, en hausse de 15 %.
En outre, les normes environnementales - parfois, il faut bien le dire, incompréhensibles - s'accumulent, pesant sur l'activité et la compétitivité des exploitations. Je pense à la vallée de la Vire, zone agricole par excellence, classée en zone vulnérable depuis 2012.
Au-delà de la Manche, l'élevage est un atout clé pour la France tant en termes d'emploi, de souveraineté alimentaire, de commerce extérieur que d'aménagement du territoire. Il est donc urgent d'apporter des solutions à sa lente asphyxie, toutes filières confondues.
Les éleveurs demandent un rééquilibrage des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, afin que les prix soient revalorisés. Du reste, l'étiquetage de l'origine sur les produits bruts et sur les matières premières utilisées comme ingrédients pourrait être généralisé afin de rassurer les consommateurs, suite aux récents scandales.
En outre, les éleveurs souhaitent que les normes environnementales - je pense notamment à la directive nitrates - soient simplifiées. Il est grand temps d'en finir avec la surenchère réglementaire, qui, souvent, produit l'effet inverse de celui recherché. L'instruction des dossiers d'installations classées prend plus de dix-huit mois en France, contre quatre mois chez nos voisins. Il y a donc bien un problème. Lorsque j'entends parler de choc de simplification, monsieur le ministre, je réponds : " Chiche ! ". Par ailleurs, il faut encore et toujours encourager l'installation de jeunes sur des exploitations viables et diversifiées.
Enfin, la future PAC doit mettre en place une véritable politique économique pour les filières de l'élevage, qui tienne compte de la pénibilité, mais aussi de l'astreinte et du niveau élevé des capitaux à mobiliser pour ces exploitations.
Alors que la fédération nationale porcine organise aujourd'hui une journée d'action pour porter ses revendications, et parce que des centaines de milliers d'emplois, directs et indirects, dépendent de la ferme France, particulièrement dans le département de la Manche, je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures concrètes seront prises pour que les éleveurs de la Manche et tous les autres soient aidés, assistés et secourus.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député - et monsieur le président, ajouterai-je, tant vos préoccupations, sur ce sujet, se rejoignent -, la situation de l'élevage n'est pas seulement problématique dans la Manche. Les députés ici présents peuvent en témoigner : l'élevage en Corse, dans la Sarthe ou dans la Seine-Maritime rencontre des difficultés liées à l'augmentation du prix de l'alimentation, qui n'est pas répercutée dans le prix de vente des produits.
À ce sujet, permettez-moi un rappel, monsieur Gosselin. Vous avez appartenu à la majorité précédente et voté la loi de modernisation de l'économie. Pour atteindre l'un de ses objectifs, l'amélioration du pouvoir d'achat des consommateurs, vous avez jugé bon de tirer les prix vers le bas en donnant notamment beaucoup de pouvoir à la grande distribution. Il faut aujourd'hui changer cette règle.
M. Philippe Gosselin. La loi a été contournée !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cette loi sera modifiée. Je serai très attentif à votre attitude, monsieur Gosselin, et j'espère que vous voterez nos propositions, qui visent justement à intégrer dans les négociations commerciales le fait que les coûts de production augmentent. Je reviendrai ici pour exprimer ma satisfaction quant à l'évolution de cette loi et la part que vous y aurez prise. Comme vous l'avez dit, il est très important de changer les règles commerciales et d'intégrer les coûts de production. Nous modifierons aussi en ce sens la loi de modernisation agricole.
Sans attendre, nous avons pris en avril une initiative pour le lait, qui devrait se traduire pour les producteurs, dès ce mois-ci et pour les trois mois qui viennent, par une revalorisation du prix du lait. La négociation avec la grande distribution et les transformateurs, qui fut dure, a débouché sur un accord qui devrait entrer en application ce mois-ci.
Vous avez parlé de la PAC. Il faut bien sûr rééquilibrer une partie des aides. Le problème de l'élevage, c'est que la rentabilité du capital investi et la productivité du travail sont plus faibles que dans d'autres productions. Si l'on ne compense pas cette faiblesse, on risque de voir l'élevage disparaître. C'est ce qui se passe aujourd'hui. Nous livrerons donc une bataille à l'échelle européenne pour l'augmentation du taux de couplage, la redistribution des aides et la majoration de la prime sur les 50 premiers hectares.
Votre dernier point porte sur les normes, un sujet qui tient à coeur au président. Notez tout de même que la directive nitrates et le contentieux européen ne datent pas d'aujourd'hui, et que je suis amené à traiter d'une affaire engagée il y a quelques années. Delphine Batho et moi-même avons fait des propositions pour améliorer les propositions déjà formulées par la France, dans le cadre du contentieux, pour se conformer à la directive.
Mais c'est tout un processus qu'il faut mettre en oeuvre : nous ne pourrons pas traiter de la question environnementale en alignant les normes les unes derrière les autres sur tous les sujets, quels qu'ils soient. Nous devons aborder le sujet de manière globale - je dis toujours " systémique " - pour assurer les combinaisons et les cohérences au niveau de la production agricole. C'est tout le débat sur la loi écologie.
Il y a bien sûr des progrès à faire, surtout en matière de simplification. Je pense en particulier aux établissements classés, un débat que j'ai engagé et que j'espère voir aboutir rapidement.
M. le président. Je vous remercie tout particulièrement, monsieur le ministre.
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre. Nous verrons le contenu du texte visant à modifier la LME ; je suis très ouvert sur le sujet car je considère que la loi, pour une part, a été contournée. J'attends aussi le choc de simplification.
Pour conclure sur la Manche, je voudrais insister pour qu'un certain nombre de dossiers engagés en 2012 aboutissent. Je pense à un dégrèvement fiscal dont vous avez évidemment connaissance. Je pense aussi à la reconnaissance du caractère de calamité agricole de l'humidité automnale. Enfin, la solidarité s'est manifestée durant la période de neige hivernale, après le déclenchement exceptionnel de l'alerte rouge. Il conviendrait de classer le département en zone de catastrophe naturelle. Je serai très attentif aux réponses qui pourront être apportées. Elles sont attendues, au-delà des agriculteurs, par les acteurs économiques de la Manche.